PROCHAINEMENT
Skryptia a l'immense plaisir de vous annoncer
la sortie, cet automne, d'un ouvrage sur les lévriers espagnols écrit par Sylvie Joubert. Découvrant il y a quelques années le calvaire que vivent les lévriers de
chasse dans ce pays, elle adopte en 2016 un galgo au lourd trauma
psychologique, puis fait à cette occasion la connaissance de responsables d'associations remontant vers la France des galgos et podencos abîmés par la vie, mais vivants.
Ce livre est un regard croisé entre sa propre expérience d'adoptante et les témoignages de quatre personnes engagées depuis plusieurs années dans cette cause : Murielle Douheret, Isabelle Guillen, Marie-Noëlle Rozé et Jérôme Guillot.
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Dans quelques semaines, nous vous donnerons plus d'informations sur la date de parution et le titre de cet ouvrage. Il sera disponible sur Amazon en format broché ou ebook. En attendant, et pour vous tenir en haleine, nous proposons en lecture libre un petit extrait.
A bientôt !
EXTRAIT
Elle
était à mes yeux la plus belle, douce et exquise des chiennes, je n’éprouvais à
son sujet aucun reproche, aucun doute, aucune question, juste de
l’affection à l’état brut et sans condition. Elle était mon évidence et
j’étais la sienne, elle était mon plus beau matin du monde, mon amie et une
partie de mon âme. Parler d’elle, à cet instant, fait remonter en moi mille
souvenirs troublants, au point que l’émotion m’envahit comme si c’était hier,
comme si le temps n’existait plus lorsque je pense à elle. Me voici
replongeant dans ses yeux intenses de voyante, car c’est toujours ainsi que je
décrivais Naïa, cette petite reine blanche recueillie en 2001 dans un refuge et
qui partagea ma vie une douzaine d’années.
Que
de vivants souvenirs ! Nous partions à l’aurore nous rafraîchir dans la
grande bleue, gagnant ensemble le large, tels deux bouchons flottant à la
surface de l’eau. Lorsque nous trouvions une bouée, je m’agrippais à la corde
pour nous reposer, puis la belle se calait dans mes bras quelques minutes sans
bouger, humant l’air iodé de sa truffe alerte, le temps de reprendre le souffle
ou d’admirer l’immensité étale, ensuite, nous repartions côte à côte comme
auraient pu le faire Obelix et Idefix, Tintin et Milou, Rusty et Rintintin.
Naïa adorait l’eau et moi également, nos bains partagés étaient un rendez-vous
avec le bien-être et la béatitude, presque avec le divin. Cette croisée de
labrador et d’épagneul affrontait les vagues comme personne, passant de rouleau
en rouleau avec une incroyable dextérité, alors même que les humains effrayés
par la violence de la mer et son courant incertain n’osaient mettre un doigt de
pied dans l’eau. J’étais si fière d’elle !
Et
puis, comme dit la chanson, la vie sépare ceux qui s’aiment. Alors, elle s’en
est allée de l’autre côté, nager dans une mer inconnue avec de nouveaux
compagnons, attendant que je sois prête pour son grand départ, attendant bien
trop longtemps que je cesse de lutter et de croire à son impossible guérison.
Afin qu’elle ne souffre plus, j’ai conduit ma bien-aimée un vendredi 14 juin au
petit matin au terme de son aventure terrestre, et j’ai cru mourir d’un chagrin
plus ou moins coupable que je ne souhaite à quiconque, même pas à mon pire
ennemi. Je décidais alors de ne plus prendre de chien, n’en ressentant
d’ailleurs aucune envie pendant plusieurs années.
Jusqu’au jour où...
Jusqu’au jour où...
L’information
me parvient par le biais d’une vidéo de hasard visionnée sur le web, je ne me
rappelle plus de laquelle il s’agissait. Des images assassines ininterrompues
transpercent mon cœur, mettant mon âme à genoux, image après image. Regarder
cette vidéo me rappelle, bien que ne l’ayant jamais vraiment oublié, combien ce
monde compte d’ignominie, de souffrance et de cruauté humaine. Je clôture la
connexion, puis ferme l’ordinateur, vaincue par l’insoutenable réalité de ces
barbaries infligées à des chiens sans défense. Blessée par ces épouvantables
pratiques, me voici pleurant comme une enfant, un vieux bébé.
Au
fond, tout ceci me plonge dans un abyssal sentiment de honte à l’idée
d’appartenir à l’espèce humaine, me sentant otage de cette salissure et de
cette souillure collective. Et s’il suffisait d’appuyer sur un bouton pour
disparaître de ce monde à ce moment-là, j’appuierais peut-être. Qui sait !
Fermer le rideau, ne plus voir ces choses épouvantables, cruelles et
injustifiables. Ce n’est pas la première fois que remonte en moi
ce sentiment de dégoût, d’écoeurement et d’étrangeté vis-à-vis de notre espèce,
mais, cette fois, il est particulièrement fort et empoisonne ma vie.
À
nouveau, une question hante mes pensées, toujours la même : comment notre
espèce peut-elle engendrer Mozart, Charlie Chaplin, La Callas, Léonard de
Vinci, sœur Emmanuelle ou Einstein, mais aussi donner naissance à de sombres
bourreaux sadiques affairés à torturer et tuer des lévriers délicats, inoffensifs
et à leur merci ? Comment peut-on justifier tout cela au nom de la
tradition ou du gain financier, tout en imaginant des sévices à chaque fois
plus sophistiqués et douloureux ?
Au
regard de cette sombre perversité humaine, je m’adresse indignée à
l’énigmatique Créateur que certains nomment Dieu et d’autres autrement, lui
indiquant qu’il y a nombre de malfaçons dans le cœur de ses créatures, et qu’il
est peut-être temps de leur faire passer un contrôle technique.
Cette
énigme, je me la suis déjà longuement posée auparavant au sujet des deux
dernières guerres et des horreurs commises au nom de la patrie, des jeux de
pouvoirs et des idéologies, de toute façon je sais que je mourrai sans l’avoir
résolue. Aujourd’hui encore, cette question demeure pour moi le plus grand
mystère de la vie, bien plus encore que celui de la reproduction du vivant, du
big bang, des dimensions de l’univers ou de l’existence de Dieu.
Après
le cas des animaux martyrs, objets d’épouvantables expérimentations par la
science ; après les élevages-usines déshumanisés totalement
irrespectueux de la vie sensible ; après les trophées morbides suspendus
au-dessus des cheminées de stupides et répugnants collectionneurs, etc., je
découvre le canicide annuel des lévriers espagnols. Un génocide de chiens
entretenu au nom de la tradition par des individus peu recommandables, des
ignares et des sots de première catégorie, pour lesquels la vie de ces chiens
ne vaut pas un clou, ne signifie rien et même moins que rien.
Une
question toute simple succède à la précédente : que faire ? Quelle
partie de moi-même ou de ma vie puis-je offrir à cette cause ? Quelle action
puis-je entreprendre et assumer jusqu’à son terme ? Sur l’instant, la seule
réponse concrète surgissant à ma conscience est la suivante : et si tu en adoptais un ? Aussitôt le
mental, critique et rationnel par nature, monte à l’assaut et réplique que
sauver un chien n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des dizaines de milliers
de condamnés annuellement, et que ce n’est pas ça qui va changer la donne. Comment
lui donner tort ? Évidemment, la raison dit vrai, comme d’habitude, mais
c’est tout de même un chien mort de moins et ça compte.
Adopter
un lévrier, oui, voilà ce que je vais faire, c’est décidé ! Sur l’instant,
cette décision me semble aussi folle que censée, angoissante et excitante à la
fois, dans tous les cas il s’agit d’une grande décision que je prends en mon
âme et conscience, après un rendez-vous avec moi-même. Plus par désir de faire
quelque chose en faveur de cette cause des lévriers que par envie personnelle
d’avoir un autre compagnon à quatre pattes chez moi, c’est ainsi qu’après ma
douce Naïa, entre dans mon existence un chien nommé Peter par le refuge
espagnol l’ayant récupéré. Il s’agit d’un lévrier espagnol couleur fauve, sorti
du calvaire par deux associations de bénévoles, l’une située en Espagne et
l’autre en France. Je le rebaptise Peter Pan pour lui donner de nouvelles
ailes.
Cette
période est aussi l’occasion pour moi de rencontrer des personnes formidables,
réalisant un travail de terrain incroyablement difficile en Espagne ou en
France. C’est à toutes ces personnes françaises, espagnoles et de toutes les
nationalités, que je dédie cet ouvrage : celles qui organisent des
sauvetages ainsi que des adoptions, celles qui deviennent familles d’accueil
pour ces blessés de la vie, celles aussi qui s’occupent de l’administration ou
de la logistique, ainsi que toutes les personnes pratiquant des soins sur ces
chiens le plus souvent meurtris : les vétérinaires, les interprètes
animaliers et les comportementalistes.
Ces
groupes d’anonymes, unis en associations ou pas, sont des résistants de l’ombre
luttant contre la barbarie ordinaire, vous comprendrez tout cela au fil des
pages. Il faut du courage et du cran pour affronter la souffrance à l’état pur,
quand on la rencontre dans les yeux d’un chien agonisant ou dans ceux d’un
lévrier vous regardant à travers une grille et qu’on laisse derrière soi,
sachant qu’il sera demain sacrifié dans l’une des nombreuses fourrières. Il
faut du contrôle sur soi-même pour ne pas sauter à la gorge ou injurier
l’assassin soupçonné d’avoir pendu ses lévriers à un arbre, faisant en sorte
que l’agonie des pauvres bêtes soit longue et pénible.
Je
n’ai pas ces courages, j’ai juste celui d’écrire et de témoigner, également le
courage d’espérer que, demain, les choses seront différentes pour les lévriers
espagnols grâce à toutes les initiatives naissantes, quelles qu’elles soient.
Certains appellent cela de la naïveté,
tout au contraire je crois qu’espérer est l’une des plus grandes formes
de courage. Je crois même qu’elle est à l’origine de cette puissance invisible
capable de soulever des montagnes. Oui, je crois que «L’espérance est une
détermination héroïque de l’âme, et sa plus haute forme est le désespoir
surmonté (...) L'espérance est un risque à courir, c’est même le risque
des risques. L’espérance est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un
homme puisse remporter sur son âme… » [Georges Bernanos (1888- 1948),conférence 1945]
Cet
ouvrage parle des lévriers espagnols, mais aussi de l’action de milliers de
bénévoles engagés dans cette cause animalière (parmi d’autres), vivant auprès
de ces chiens mille peines et mille joies successives. Ces bénévoles sont des
anges gardiens assignés à la protection de ces chiens sur Terre, ils accompagnent ces lévriers dans leur voyage
jusqu’à leur nouvelle vie, après les avoir sortis des griffes des galgueros ou
des perreras (fourrières). Comme les anges gardiens de la tradition, les
bénévoles ne sont pas infaillibles, mais il ont la grande vertu d’être là pour
eux et de les aider du mieux qu’ils peuvent.
À
ce jour, si de très nombreux chiens sont sauvés annuellement, c’est grâce à la
chaîne que forment ces personnes entre elles, non aux institutions la plupart
du temps calfeutrées dans le déni et faisant comme si l’affaire ne les
concernait pas ou pas vraiment. Cet ouvrage entend porter à la connaissance de ceux qui
l’ignoreraient encore la situation de ces lévriers espagnols, mais il est aussi
un vibrant hommage à ceux et celles qui, à travers leurs initiatives petites ou
grandes, contribuent ensemble à rendre le monde des lévriers moins cruel, donc
meilleur.
Ce
livre est le fruit de rencontres avec des personnes dont Peter Pan fut le fil conducteur. J’ai souhaité donner la parole à Murielle, Isabelle,
Marie-Nöelle et Jérôme qui se préoccupent du sort des lévriers espagnols depuis
des années, chacun à leur façon. Lévriers sauvés et adoptés, lévriers acteurs
de médiation animale, lévriers sujets d’initiatives politiques... Vous
constaterez que les actions de ces personnes se complètent. Mais je n’oublie
pas toutes les autres dont cet ouvrage ne parle pas, et qui oeuvrent
quotidiennement pour que ces chiens puissent avoir un avenir, ce livre leur est
dédié.
Les rencontres ne sont
pas toujours le fruit du hasard.
Les fils qui tissent
nos vies sont beaucoup plus complexes et mystérieux.
Femmes, hommes,
animaux, enfants, tout n'est que hiéroglyphes.
[Gilbert
Sinoué, L'homme qui regardait la nuit (2012) ]
Skryptialement vôtre
Skryptialement vôtre
merci Sylvie! sublime d amour et de vérité! j y pense depuis longtemps sans avoir fait le pas, petits moyens, doutes sur ma capacité d assumer, vous me secouez ce soir... je crois que je vais a nouveau y réfléchir sérieusement car oui une vie de sauvée c est une vie de sauvée et c est merveilleux! Merci!
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